FO Cadres / dossier Syndex / les soft skills : arme de gestion rh à la tête du client

11 mai 2023


Comment expliquez-vous que les soft skills soient devenues incontournables dans le discours RH des entreprises ?

La référence aux « soft skills » dans le discours RH a fait son apparition dans les années 1990. Au départ, les soft skills sont apparues dans le secteur des industries de haute technologie et chez les grandes entreprises. Les DRH qui recrutent des profils de haut niveau de compétences techniques cherchaient à se rassurer en complétant leurs exigences par des compétences comportementales personnelles. Mais depuis dix ans, cette notion est très présente dans les petites annonces de recrutement, les descriptions de fonctions et les systèmes d’évaluation mis en place par les grandes entreprises. Elle règne particulièrement dans les secteurs de prestation de service et les métiers commerciaux et touche tous les niveaux hiérarchiques non cadres et cadres

Est-ce un effet de mode ou bien y a-t-il un objectif rationnel à cette évolution ?

Il y a un effet de mode, comme souvent dans le discours RH. Mais aujourd’hui, cela dépasse la mode. J’ai même été confronté à un référentiel de compétences d’un gros opérateur dans le secteur informatique qui oublie complètement les compétences techniques de ses salariés pour mettre uniquement en avant les savoir-être comportementaux attendus… Plus généralement, je constate un manque de rigueur chez nombre de DRH qui mélangent allègrement dans leur référentiel, les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être sans se préoccuper de proposer un système permettant de quantifier et de rationaliser ces derniers… Au-delà de l’effet de mode, je note que les soft skills s’imposent parallèlement à l’individualisation de la rémunération et à la rigueur pratiquée par les entreprises sur les augmentations de salaires

Que voulez-vous dire ?

Les comportements attendus résumés par le terme de soft skills « objectivent » les choix des managers d’augmenter tel ou tel de leurs collaborateurs et de laisser la rémunération de tels autres stagner. Dans certaines entreprises, il y a même une double évaluation annuelle. Il y a le « what », c’est à dire les résultats concrets atteints. Et le « how », la façon dont ils ont été atteints. Les salariés ayant atteint ou dépassé leurs objectifs sans respecter les recommandations comportementales ne sont pas certains d’être augmentés. En résumé, les soft skills « objectivent » des décisions sur des critères subjectifs par nature, ce qui est un paradoxe.

Quels sont les problèmes soulevés par les soft skills ?

D’abord, elles ont tendance à sortir les compétences techniques des critères d’évaluation. Or celles-ci sont mesurables et quantifiables, alors que les soft skills ne le sont pas et sont au contraire susceptibles de laisser libre cours à une hyper subjectivité de l’évaluation. Par exemple, un manager proactif va exiger plus de proactivité de la part de ses collaborateurs qu’un manager moins sensible à cette notion. Alors qu’il n’y a pas de norme possible en la matière. Enfin, les soft skills sont transversales. C’est-à-dire qu’elles sont valables pour tout le monde, quel que soit le métier et les compétences techniques mises en œuvre. Cette exigence identique pour tous accroît la perte de sens ressentie par les salariés..

Quel argument utiliser pour contrer la mise en place des soft skills ?

De manière générale, il faut forcer la direction à revenir à des notions mesurables et quantifiables. Mais le répertoire des compétences est rarement négocié avec les représentants syndicaux. La solution est de prendre le problème sous l’angle de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. En effet, l’entretien d’évaluation annuel est un élément constitutif et structurant des conditions de travail. Or le code du travail autorise une consultation de la commission SSCT du CSE lorsqu’il y a mise en place d’un entretien d’évaluation ou modification des critères utilisés lors de l’entretien.

Et concrètement, en cas d’assistance d’un salarié ?

Il faut poser un maximum de questions sur les notions employées par le DRH ou la direction. A quoi font-elles référence, quelle est leur signification concrète, comment sont-elles quantifiées, etc. Lorsque le répertoire de compétences comporte des notions comme « l’honnêteté » ou « l’adhésion aux valeurs de l’entreprise », il faut obliger le DRH ou le manager à préciser en quoi ces valeurs sont proportionnées à l’objet de l’entreprise, c’est-à-dire à son activité. Il est important également de leur faire admettre que l’adhésion aux valeurs de l’entreprise n’oblige pas à laisser ses propres valeurs au vestiaire quand on prend son service...


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