Déclaration FO au CSE C - LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES DE L’ENTREPRISE

29 juillet 2020

Les élus et représentants FO au CSE C ArianeGroup SAS tiennent tout d’abord à remercier la Direction Générale pour les échanges sur sa vision du futur de notre entreprise. Nous saluons l’arrivée d’une directrice de la stratégie, le 09 septembre 2019, pour soutenir notre Président, Mr Roussel, dans les nombreux challenges à relever. Pour donner notre avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise, nous avons tenu compte des éléments mis à notre disposition par la Direction Générale, du rapport d’expertise du groupe Legrand mais aussi de la crise sanitaire générée par la COVID-19.

Nous avons de fortes inquiétudes sur les activités civiles et principalement sur le programme majeur A6. En effet, la concurrence se détache inexorablement, en particulier Space X, à force de prouesses techniques pour une société privée à savoir :

- La récupération et la réutilisation devenues systématique des premiers étages de ses lanceurs,
- Son premier vol habité,
- Le déploiement de sa constellation
- La lune et la planète Mars en ligne de mire. 

La vision ArianeGroup, certes sous fortes contraintes des institutions Françaises et Européennes, est plus modeste en ce qui concerne les lanceurs civils. A5, après une carrière remarquable, tirera sa révérence à priori en 2022 pour faire la place à A6. Mais quelle place ? Si l’Europe a réellement pris conscience de l’importance d’un accès autonome à l’espace, les clients civils eux, en tous les cas pour le moment, ne se précipite pas vers ce nouveau lanceur. Il est certes au-dessus du prix du marché, en tous les cas pour générer des marges, mais pouvons-nous réellement lutter ? Pour être à armes égales il nous faudrait être totalement intégré, sans concurrence européenne, avec une organisation industrielle optimisée. Au contraire, l’Italie développe son lanceur qui au-delà de sa complémentarité avec A6 sera, à terme, avec Véga E un redoutable concurrent en particulier sur le marché des constellations. L’Allemagne n’est pas en reste et sera un concurrent sur le marché des micro-lanceurs. Le marché des constellations, par ailleurs impacté à coup sûr par la COVID-19 au moins sur sa dynamique d’avant la crise, ou des petits satellites (en passager) seront donc très difficilement accessible sans compter la concurrence internationale. D’autre part, en mettant également les opérateurs de satellites en difficulté, la COVID-19 a également une influence négative sur le rebond escompté du marché des satellites GEO, le cœur commercial d’A6. Si la période de transition et le développement d’A6 semblent garantis par l’engagement sans précédent de l’Europe, il reste à valider les 16 Md€ espérés du budget spatial 2021-2027 de l’UE. A ce titre nous voyons comme positif l’arrivée toute récente de Mr Roussel à la présidence d’Eurospace pour finir de convaincre l’Europe sur le caractère indispensable des activités spatiales pour son économie et sa souveraineté. En revanche, l’horizon 2023 est des plus incertains. Nous nous éloignons de notre business plan de 5 tirs dès 2021 alors que nous espérons le 1er tir au mieux à mi-année mais plus certainement au second semestre. Au-delà des problèmes techniques se cumulent les problèmes commerciaux qui nous empêchent de remplir le carnet de commandes. En 2023 les 11 tirs initialement envisagés puis revus à 8 ou 9 seront-ils tenus ? Nous en doutons. Pour conclure cette analyse nous posons 3 questions que nous pensons légitimes :

- Que serait ArianeGroup avec un lanceur A6 institutionnel tout en considérant les lancements commerciaux comme des opportunités ?
- Pouvons-nous espérer une modernisation de notre modèle économique et une intégration européenne pour nous permettre de retrouver une réelle compétitivité sur le marché des lancements de satellites ?
- Comment allons-nous résister jusqu’à Ariane next à l’horizon 2030 ?

En ce qui concerne l’autre programme majeur d’ArianeGroup, le lanceur militaire, la situation est complètement satisfaisante .La stratégie d’évolution incrémentale porte ses fruits avec le M51.3 en développement, le M51.4 en études et la projection sur la démonstration d’une nouvelle arme, le planeur hypersonique. En tenant compte, par ailleurs, de la sacralisation de la dissuasion et de la croissance du budget associé à la loi de programmation militaire sur les années à venir, ces activités nous semblent complètement pérennes à long terme. En outre, les opportunités de croissance sont réelles pour les activités défense avec le déploiement d’un commandement de l’espace et la création d’un fonds européen de défense. L’innovation sera également soutenue. 

Enfin, les difficultés rencontrées pour développer les activités liées aux Produits, Equipements et Services semblent fragiliser cet axe de croissance. L’exemple des infrastructures critiques est significatif. Après la réussite de la réalisation du centre d’Assemblage, d’Intégration et de Tests de satellites au Kazakhstan, les nouveaux contrats ne se sont pas enchainés malgré tous les efforts déployés. Le programme SECOIA de démantèlement des munitions chimiques de la 1ère guerre mondiale est loin d’être une réussite financière avec la perte de dizaines de millions d’€. Dans le domaine du démantèlement nucléaire, le programme CIGEO est plutôt poussif. Nous espérons que la revue de portefeuille permettra d’améliorer la rentabilité de ses activités. Nous soutenons cet axe de développement qui permet de stimuler les équipes confrontés à de nouvelles contraintes et de nouveaux environnements tout en développant de nouvelles compétences. 

Pour conclure, nous ne sommes pas compétents en matière de définition d’une stratégie pour ArianeGroup mais notre analyse nous permet de juger la situation. Nos préoccupations portent essentiellement sur le futur du lanceur A6 et nous porterons toute notre attention sur la révision indispensable de l’OP2020 lors des forecast II et III en particulier pour tenir compte des effets de la crise sanitaire sur l’évolution des activités spatiales pour les prochaines années. Nous donnerons un avis d’abstention.