Un nouvel épisode de la guerre des ego entre Musk et Bezos



Les deux hommes partagent une même «vision» de l’avenir, mais n’ont pas du tout les mêmes priorités.

«Elon Musk avait très envie d’en être mais impossible pour Jeff Bezos de se mettre dans sa main!», résume un observateur averti. L’offre de SpaceX pour participer au déploiement de la constellation Kuiper a été écartée. «Jeff Bezos a choisi en fonction de critères rationnels. Il a opté pour des partenaires qui n’avaient pas de conflit d’intérêts: SpaceX est une société de lancement de satellites mais est aussi, avec Starlink, le concurrent des autres constellations», analyse un industriel européen. Mais d’autres critères plus personnels ont pesé.

ar les deux tycoons du New Space se détestent cordialement. Tweets ironiques, échanges d’amabilité, concurrence exacerbée… et style de vie différent. Tout sépare un Elon Musk, fantasque et extraverti, dont la vie privée défraye régulièrement la chronique, et un Jeff Bezos plus discret qui, jusqu’à son divorce en mai 2021, après vingt-cinq ans de mariage, se vantait de la stabilité de sa vie privée.

Concurrence frontale

Leur personnalité et leurs compétences sont très différentes. «Elon Musk a un côté potache. C’est une tête brûlée, géniale et un peu dingue. Jeff Bezos est du genre sérieux et calme», résument des proches des deux hommes. Elon Musk est un ingénieur qui s’implique dans toutes les décisions techniques. Jeff Bezos est un formidable commerçant, qui ne s’est pas autant investi personnellement, analyse un expert averti.

Les deux hommes partagent toutefois la même «vision»: la Terre est un monde fini et menacé ; pour survivre, l’humanité devra la quitter et s’installer dans l’espace. Blue Origin, créé en 2000, et SpaceX, né en 2002, sont en concurrence frontale pour concrétiser cette vision. Or, les deux hommes n’ont pas eu les mêmes priorités. Une fois sa fortune faite, Elon Musk a investi tout son argent dans SpaceX, qui occupe la majorité de son temps. «Pour lui, la réussite de SpaceX était une question de survie. Il fallait que ça marche, qu’il convainque la Nasa de lui faire confiance, sinon il perdait tout», rappelle François Chopard, fondateur de l’accélérateur Starburst.

Jeff Bezos a créé Amazon en 1994 en anticipant le potentiel des ventes sur internet, ce qui a fait de lui l’homme le plus riche du monde (tout juste détrôné par Elon Musk, selon le dernier classement Forbes des dix plus grandes fortunes mondiales!). Il n’avait pas un besoin existentiel des fonds de la Nasa. Blue Origin est devenu sa priorité depuis qu’il a quitté la direction opérationnelle d’Amazon en juin dernier.

Industriellement, SpaceX a atteint une maturité supérieure. La méthode Musk «est empirique. SpaceX multiplie les prototypes avec un cycle de développement rapide et une démarche d’amélioration continue. À l’heure du tout digital, cela semble contre-intuitif mais les résultats sont là», développe Arthur Sauzay, spécialiste du spatial et avocat au cabinet Allen & Overy. Musk n’a pas peur de l’échec ni de casser des prototypes. La méthode Bezos est plus conventionnelle.

Ce n’est qu’une fois le programme totalement «dérisqué» sur ordinateur que le prototype est construit. Au final, Elon Musk affiche une nette avance, que ce soit dans les lanceurs avec le Falcon 9 réutilisable, dans les constellations avec Starlink, dans les vols habités avec Crew Dragon et son successeur et, avec Starship, un lanceur géant, dédié à la Lune et à Mars. Le bilan de Jeff Bezos est plus mince. Hors la petite fusée New Shepard, qui vient de réaliser son quatrième vol touristique suborbital, aucun programme n’a encore volé.


Source : LE FIGARO