OneWeb, victime de la guerre spatiale entre la Russie et la Grande- Bretagne



Prise entre deux feux (Russie et Grande-Bretagne) en raison de la crise ukrainienne, la société OneWeb, doit stopper brutalement le déploiement de sa constellation. Un coup dur pour la Grande-Bretagne mais peut-être une aubaine pour la constellation européenne.

Décidément la vie n'est pas un long fleuve tranquille pour la constellation OneWeb. Après avoir échappé à la faillite au printemps 2020, la société détenue en minorité par le gouvernement britannique (17,6%) est aujourd'hui bloquée dans le déploiement de sa constellation en raison de l'invasion de l'Ukraine par a Russie. Mercredi, Moscou exigeait le retrait de Londres avant le 4 mars dans le capital de la société OneWeb ainsi que des garanties juridiques contraignantes sur son usage non militaire, sinon elle menaçait de ne plus envoyer de satellites de la constellation en orbite. Londres a refusé dans la foulée les conditions de Moscou. Jeudi, le conseil d'administration de OneWeb, sous la pression de la Grande-Bretagne, a voté la suspension des lancements depuis Baïkonour. Les actionnaires privés ont dû l'avoir mauvaise à commencer par le groupe indien Bharti (30% de OneWeb).

Vendredi, le directeur général de l'Agence spatiale russe Roscosmos Dmitri Rogozine a promis à OneWeb "la faillite". "Les contre-sanctions russes dans l'espace entraîneront des milliards de pertes pour les États-Unis et le Royaume-Uni, OneWeb attend la faillite. La société ne sera pas en mesure de déployer complètement la constellation orbitale", a-t-il expliqué. Roscosmos assure que OneWeb n'a pas d'autre moyen "à court terme" d'envoyer ses satellites dans l'espace, hormis l'emploi des lanceurs Soyuz. 

428 satellites sur 648

Opéré par Arianespace pour le compte de OneWeb, le lancement ST38, qui devait intervenir dans la nuit de vendredi à samedi depuis Baïkonour, a été reporté "sine die suite aux conditions posées par Roscosmos pour poursuivre les opérations", a expliqué la filiale commerciale d'ArianeGroup dans un communiqué publié vendredi. Sur les 16 lancements Soyuz signés entre OneWeb et Arianespace en septembre 2020, il n'en restait que six à effectuer, dont le vol ST38. Actuellement, la constellation dispose depuis le dernier lancement à Kourou le 10 février, de 428 satellites en orbite. Soit 66% de la flotte de 648 satellites LEO (orbite basse) programmée par OneWeb. Probablement insuffisant pour fournir une connectivité mondiale à haut débit, à faible latence et surtout sans interruption de services. OneWeb devait commencer à fournir un service mondial à partir de 2022.

Et maintenant ?

Plusieurs questions se posent sur l'avenir de cette constellation. A court terme, que vont devenir les 36 satellites qui devaient être lancés dans la nuit de vendredi à samedi ? Sur le plan industriel, il y a un risque que les Russes fassent un travail de rétro-engineering sur les satellites de OneWeb pour copier et améliorer leurs savoir-faire. Surtout que Dmitry Rogozin, qui a ordonné d'arrêter tous les lancements de lanceurs russes pour le compte de OneWeb, a estimé ne pas avoir eu les garanties de la société OneWeb que ses "satellites de la constellation ne seront pas être utilisés à des fins militaires". Dans son communiqué, Arianespace a promis de travailler "avec ses partenaires pour veiller à l'état des biens et des matériels actuellement à Baïkonour". Pas sûr pour autant que la société de commercialisation des lanceurs européens maîtrise quoi que ce soit actuellement à Baïkonour (Kazakhstan), dont le cosmodrome est exploité par la Russie.
A moyen terme, Arianespace va devoir trouver un "back-up" à Soyuz pour le compte de OneWeb, qui pourrait d'ailleurs lui même trouver une solution. La filiale d'ArianeGroup assure être "en contact étroit avec ses clients et les pouvoirs publics français et européens pour faire face à toutes les conséquences de cette situation et construire les alternatives nécessaires". Dans ce dossier, Arianespace risque toutefois de se retrouver particulièrement seule. Car il n'est pas sûr du tout que la France et l'Union européenne (UE) l'aident à trouver une solution pour faciliter le déploiement d'une constellation rivale à celle décidée... par l'UE et, plus précisément, par le commissaire européen, Thierry Breton, soutenu par la France. Mi-février, les 27 pays de l'Union européenne se sont mis d'accord à Toulouse sur la nécessité pour l'UE d'avoir sa propre constellation de satellites de communications cryptées. 

 


Source : la Tribune