Spatial : l'Europe tente de définir sa place sur la scène mondiale



Nouvelle constellation européenne, appel à des règles du jeu pour le trafic spatial, reprise des projets lunaires, l'Europe se réunit mercredi pour faire un point sur ses ambitions spatiales. Le président Emmanuel Macron appellera à un sursaut dans un nouveau contexte de compétition mondiale acharnée en orbite.

Avec quelque 143 projets annoncés de constellations de satellites d'observation ou de communication, toutes situées en orbite basse, soit à moins de 1.000 kilomètres de la terre, l'espace devient un incroyable champ de compétition internationale. Une compétition tant privée - les Gafam sont les premiers financiers du secteur - que publique, avec des intérêts militaires de plus en plus affirmés de la part des grandes puissances. Une compétition qui pourrait aussi tourner court très rapidement à la moindre collision spatiale… Cette semaine, l'Europe est conviée à se positionner officiellement dans cette nouvelle dimension, longtemps réservée à la coopération interétatique internationale.

Mardi, à Bruxelles, la Commission européenne va déposer deux projets, l'un pour proposer aux Vingt-Sept de financer une constellation commune de connectivité spatiale, l'autre pour ébaucher au plus vite des règles de trafic spatial, qui pourrait faire tache d'huile dans le monde, sans attendre des décennies de négociations vaines à l'ONU. La Commission européenne va donc demander aux Etats membres et au Parlement européen d'adopter sans tarder son projet de lancer une troisième grande infrastructure spatiale commune, après les lancements dans les années 2000 du système de positionnement par satellites Galileo pour la géonavigation et du réseau d'observation environnementale Copernicus.

Dans une communication, la Commission européenne appellera aussi les Etats à adopter un comportement responsable pour éviter les risques de collision dans l'espace qui mettent en danger l'exploration spatiale. A cet égard, la Nasa vient ainsi de mettre en doute la sécurité de la constellation Starlink de SpaceX .

Un moment « Galileo »

Dès le lendemain, les ministres européens chargés de l'Espace se réuniront à Toulouse. Ils seront rejoints par le président de la République, Emmanuel Macron, qui plaidera avec vigueur pour l'adoption par les Vingt-Sept de la nouvelle constellation « Breton », comme la désignent actuellement les industriels du secteur en référence à son promoteur, le Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton. La « constellation Breton » correspond point par point au souci du président français de renforcer la « souveraineté » de l'Union.

Elle doit certes aider l'Europe à combler ses zones blanches en offrant Internet dans les zones les plus reculées, mais elle doit surtout renforcer la résilience de l'accès à Internet des Vingt-Sept, notamment en cas de cyberattaque ou de saturation de la fibre terrestre. Le projet doit inclure les meilleures technologies de cryptage pour assurer des télécommunications gouvernementales inattaquables, à l'heure où l'avènement imminent des technologies quantiques menace le chiffrement des données. « C'est le moment Galileo pour une constellation multi-orbites de connectivité sécurisée », plaident les services de Thierry Breton.

Bâtir un financement public privé

Reste à savoir si ce projet trouvera une majorité en sa faveur. L'eurodéputé Christophe Grudler le croit… à condition de résoudre l'équation budgétaire. Thierry Breton a évoqué un budget de 6 milliards à diviser en trois tiers, 2 milliards pour la Commission, autant pour les Etats participants et pour les industriels privés. La France serait prête à y consacrer 500 millions d'euros sur le 1,5 milliard du plan de relance affecté au spatial.
Mais les questions d'argent et de contreparties industrielles suscitent déjà des méfiances. D'autant plus que le départ du Royaume-Uni de l'Europe a privé le programme Copernicus d'une enveloppe prévue de quelque 700 millions d'euros. Jusqu'à présent, l'Allemagne plaidait davantage pour Copernicus que pour la « constellation Breton », qu'elle soupçonne de trop favoriser l'industrie française…

La réunion de Toulouse sera l'occasion de vérifier si les Etats peuvent ou non dépasser leurs querelles pour ne pas être éjectés d'un monde limité, l'orbite basse, que les Etats-Unis et la Chine sont déjà en train d'occuper, voire de coloniser. La question sera aussi posée mercredi sur l'avenir européen dans le vol spatial habité . Personne ne doute qu'Emmanuel Macron plaidera aussi pour que l'Europe soit capable de transporter ses propres astronautes dans le futur.


Source : Les Echos