Social, vol habité... les annonces, en interne, du PDG d'ArianeGroup



EXCLUSIF - Dans un discours aux top managers d'ArianeGroup, le PDG André-Hubert Roussel a détaillé le plan de vol du fabricant d'Ariane 6. Entre mauvaises nouvelles (un plan de départs de 600 salariés) et projets ambitieux sur le vol habité européen.

Le futur lanceur Ariane 6, dont le premier vol est prévu en 2022 Le futur lanceur Ariane 6, dont le premier vol est prévu en 2022 ARIANE GROUP Dire que le discours était attendu relève de l'euphémisme. Alors qu'ArianeGroup se bat pour tenir son objectif d'un premier vol d'Ariane 6 en 2022, le PDG de la coentreprise d'Airbus et Safran, André-Hubert Roussel, a présenté mercredi 22 septembre le nouveau plan de vol du groupe. Comme prévu, le patron d'ArianeGroup, maître d'oeuvre d'Ariane 5 et 6 mais aussi du missile balistique M51 de la dissuasion française, n'avait pas que des bonnes nouvelles à annoncer. Dans son discours devant les 170 top managers du groupe, dont Challenges a pu consulter la version écrite, André-Hubert Roussel a indiqué qu'il présenterait jeudi 23 septembre aux partenaires sociaux un plan de départs volontaires destiné à "réduire nos coûts et restaurer notre compétitivité sur le marché commercial" avec Ariane 6.

Si André-Hubert Roussel n'a pas évoqué de chiffre précis, le plan de départs concernerait, selon nos informations, moins de 600 postes sur les 7.500 que compte le groupe. Un effort important, probablement douloureux, mais loin des 2.500 suppressions de postes évoquées ces dernières semaines. "Je crois en la nécessité de procéder autant que possible à un rééquilibrage de nos efforts et de nos ressources humaines en direction des activités opérationnelles en lien direct avec nos produits", a précisé André-Hubert Roussel. En clair, le plan de départ, que le groupe veut effectuer sans licenciement contraint, concernera essentiellement les fonctions support. Ce rééquilibrage se fera au profit des activités de production, afin de consolider l'objectif d'un premier vol d'Ariane 6 en 2022, et de muscler la compétitivité du futur lanceur.

Vinci file en Allemagne

Le PDG d'ArianeGroup a aussi confirmé une réorganisation industrielle qui va faire hurler les syndicats français du groupe: le transfert de l'intégration du moteur Vinci, qui équipe l'étage supérieur d'Ariane 6, du site de Vernon (Eure) vers Ottobrunn (Allemagne). "Ce processus durera plusieurs années et s'accompagne d'une enveloppe supplémentaire du gouvernement français de 40 M€ pour Vernon afin de sécuriser les compétences, les moyens de production et la poursuite d'essais que nous détaillerons demain sur place avec les équipes vernonaises", assure André-Hubert Roussel.

L'argument ne devrait guère rassurer les salariés français. La CFE-CGC s'inquiétait récemment de ce transfert, décidé en 2019 lors de la conférence ministérielle de l'ESA (Agence spatiale européenne) à Séville, dans un contexte de montée en puissance du financement allemand. "Ne sommes-nous pas en train d'assister au début de la fin de l'établissement de Vernon?", s'interrogeait il y a quelques jours Philippe Géry, délégué syndical central CFE-CGC d'ArianeGroup.

Dans son discours aux managers, André-Hubert Roussel s'est également employé à défendre Ariane 6, attaquée de toutes parts avant même son vol inaugural en 2022. Certes, le nouveau lanceur n'est pas réutilisable comme le Falcon 9 de SpaceX, ce qui fait dire à certaines cassandres du spatial européen que la fusée est dépassée avant même d'avoir volé. Mais elle reste la meilleure arme face à la concurrence, assure le patron d'ArianeGroup. "Ariane 6 est décisive pour notre avenir et elle va impressionner le monde spatial, a martelé André-Hubert Roussel. En termes de coût, Ariane 6 sera deux fois moins chère qu'Ariane 5. C'est une performance énorme."

Vol habité européen avant 2030

La patron de l'industriel franco-allemand s'est également réjoui d'avoir enfin obtenu le soutien institutionnel à Ariane 6 qu'il cherchait depuis des années. La résolution de l'ESA publiée le 13 août redonne les armes à Ariane 6 pour être compétitive, estime-t-il. "Cette résolution garantit un minimum de 4 lancements institutionnels, un prix commun pour les Etats membres et les institutions européennes, et une nouvelle ligne budgétaire qui permettra à notre industrie d’équilibrer l’exploitation d’Ariane 6 à partir d’une cadence de 7 lancements par an, détaille André-Hubert Roussel. Vraiment, c'est un immense succès pour ArianeGroup et vous ne pouvez pas imaginer combien nous nous sommes battus pour ce résultat."

Surprise du chef, le patron d'ArianeGroup a évoqué le lancement prochain, en collaboration avec l'ESA, d'un programme de vol habité européen basé sur des lanceurs réutilisables, un sujet sur lequel l'Europe a jusqu'à présent été extrêmement prudente. "Je crois fermement qu'un jour, d’ici à 2030, les Européens voleront dans l'espace à bord de lanceurs européens réutilisables qui décolleront du sol européen, assurait André-Hubert Roussel aux managers du groupe. J'espère que ce sera pour bientôt. En tout cas, je veillerai à ce qu'ArianeGroup développe les meilleures compétences et soit en mesure de mener à bien ce programme."

La date de 2030 interpelle, de même que la promesse de lanceurs réutilisables à si brève échéance. Pour tenir la date de 2030, le plan suppose de lancer très rapidement le développement d'un nouveau lanceur à la fois réutilisable et apte au vol habité. Celui-ci, aujourd'hui connu sous le nom d'Ariane Next, intégrerait probablement les moteurs low-cost réutilisables Prometheus, actuellement en cours de développement à Vernon. Pour tenir les délais, le Vieux Continent ne devra pas traîner: pour avoir une Ariane Next disponible avant 2030, l'Europe devra probablement acter le lancement du programme lors de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA, prévue fin 2022.


Sources : Challenge