ArianeGroup, candidat pour motoriser les cargos lunaires



ArianeGroup ne fournira pas que les lanceurs des futurs vaisseaux ravitailleurs lunaires, l’industriel pourrait également en fournir les moteurs. Cette diversification pourrait aussi être bénéfique pour l’évolution d’Ariane 6.
Airbus Defence & Space a fait appel à ArianeGroup, coentreprise d’Airbus et Safran, afin d’étudier des solutions de propulsion pour deux vaisseaux logistiques automatisés qui desserviraient l’orbite et la surface lunaires. Ces vaisseaux pourraient être développés après la prochaine ministérielle de l’ESA. Airbus DS est en compétition avec Thales Alenia Space (TAS) pour le développement du cargo CLTV (Cis-Lunar Transfer Vehicle) et de l’atterrisseur EL3 (European Large Logistics Lander) qui pourraient servir au soutien logistique du programme Artemis de la Nasa, dont l’ESA est partenaire. Les deux industriels, qui ont chacun reçu deux contrats d’études, sont déjà partenaires sur le module de service européen (ESM) : Airbus DS en tant que maître d’oeuvre, TAS en tant que premier sous-traitant pour la structure et de nombreux systèmes.

ArianeGroup, qui fournit déjà 24 moteurs de contrôle d’attitude de 220 N sur l’ESM, a été désigné « Architecte Propulsion » dans l’équipe industrielle d’Airbus DS et devra réfléchir au mode de propulsion le plus adapté en faisant appel aux compétences de ses différents sites allemands : Brême (systèmes), Ottobrunn (moteurs) et Lampoldshausen (essais).
DEUX VAISSEAUX LUNAIRES EN MONNAIE D’ÉCHANGE
Les deux vaisseaux seront lancés par Ariane 64, la version la plus puissante d’Ariane 6, conçue pour placer jusqu’à 8,5 t sur orbite de translunaire. Un premier vol est envisageable dès 2027 pour le CLTV, et 2028 pour l’EL3. Les vaisseaux rejoindront l’orbite lunaire en quatre jours. Le CLTV se présentera comme une version « long courrier » de l’ancien cargo européen ATV (Automated Transfer Vehicle) dont cinq exemplaires ont ravitaillé la Station spatiale internationale de 2008 à 2015. Il est conçu pour amener 4,5 t de charge utile à la station Gateway, dans un compartiment pressurisé.
L’EL3, pour sa part, pourra déposer jusqu’à 1,7 t de matériel, ergols ou équipements à la surface de la Lune, à proximité des sites d’alunissage d’astronautes, de manière à leur fournir un ravitaillement supplémentaire en toute sécurité. Il devra se pousser en douceur, sous la poussée modulable de ses moteurs (jusqu’à cinq d’entre eux selon les concepts actuels).
La phase d’étude du CLTV et de l’EL3 doit s’achever en 2022, à temps pour finaliser une offre chiffrée à proposer aux ministres de l’ESA lors de leur réunion en conseil. La phase de développement proprement dit pourrait donc démarrer en 2023. Le CLTV et l’EL3, ensemble ou séparément, pourraient constituer un mode de compensation non-financier (barter elements) pour la participation d’astronautes européens aux missions vers la station Gateway et à la surface de la Lune. Trois vols sont déjà prévus sur la Gateway en échange des modules iHab et Esprit ainsi que de deux modules ESM, tous fournis à la Nasa par l’ESA.

MOTORISATION MULTI-USAGE
La question de la motorisation du CLTV et de l’EL3 se pose en même temps que celle du renouvellement de la motorisation de l’ESM. Les premiers exemplaires du module de service européen de la capsule américaine Orion intègrent les anciens moteurs orbitaux AJ10 (26,6 kN) et des moteurs verniers R-4D-11 (490 N) récupérés sur les orbiteurs de la navette spatiale. Le stock devrait être épuisé après six vols et leur remplacement par des équivalents modernes est sur la table.
Le 9 mars, les actionnaires d’Aerojet Rocketdyne, fournisseur des moteurs actuels, ont accepté le rachat du motoriste par Lockheed Martin, maître d’oeuvre d’Orion, qui devrait être effective au second semestre 2021 sous réserve de l’approbation des autorités anti-trust. L’Américain devrait donc être en première ligne pour fournir les nouveaux moteurs. L’ESM-6 pourrait même déjà intégrer une nouvelle version de l’AJ10, l’OME (Orion Main Engine).
Néanmoins, ArianeGroup dispose de différentes options de propulsion qui pourraient bénéficier d’un effet d’échelle si elles équipaient un plus grand nombre de vaisseaux.
Ainsi, les équipes d’ArianeGroup à Ottobrunn développent actuellement le moteur Berta (Biergoler Raumttransportaengine) pour l’étage d’appoint d’Ariane 6 (kick stage), conçu pour compléter le nouveau lanceur européen sur des missions particulièrement complexes telles que la sonde Hera vers l’astéroïde (65803) Didymos. Équipé d’une chambre de combustion réalisée par fabrication additive, le Berta a été testé à 2,45 kN de poussée sur le banc P8 de Lampoldshausen en janvier 2019. Il pourrait être dérivé en versions de 2 à 10 kN de poussée.

À l’étude sous différentes formes depuis vingt ans, le moteur Aestus 2 (55 kN), version à turbopompes du moteur Aestus (28,4 kN) de l’étage supérieur des Ariane 5ES, a été envisagé pour remplacer l’AJ10 de l’ESM. Il a été écarté en raison de la faiblesse du marché (1 seul vol par an) qui ne suffirait pas à justifier son développement.

 


Source : AEROSPATIUM