2022, l'année de l'envol pour Ariane 6 ?



L'année 2022 sera cruciale pour Ariane 6. Le futur lanceur lourd européen décollerat-il ? Il y a débat.

Décollera, décollera pas en 2022 ? Concernant le premier vol d'Ariane 6, il y a un côté face et un côté pile. Il y a une ligne officielle relayée par les principaux acteurs concernés par ce programme européen, que ce soit les institutionnels (CNES, ESA) et les industriels (ArianeGroup et Arianespace) : le premier lancement est prévu dans le deuxième semestre de l'année, et plus précisément avant la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) programmée en novembre prochain. Et puis, il y a ce qui se dit en privé au sein de la filière depuis plusieurs semaines : Ariane 6 ne s'envolera probablement que début 2023, voire même au deuxième trimestre 2023, un scénario catastrophe qui plomberait la filière. "Le premier vol d'Ariane 6 prévu cette année n'est
pas réaliste", explique-t-on à La Tribune. Ou encore "le calendrier du premier vol d'Ariane en 2022 est très ambitieux". Suspense.

Des indices

Au-delà de ces propos recueillis, quelques indices accréditeraient l'hypothèse d'un nouveau retard d'Ariane 6 sans pour autant être encore totalement concluants... Ainsi, le ministère des Armées, lassé d'attendre une réponse ferme et définitive d'Arianespace pour un lancement fin décembre sur Ariane 6, a abandonné dans les derniers mois de 2021 cette option pour la mise en orbite du satellite d'observation CSO3. Il a finalement préféré monter à bord du lanceur russe Soyouz. Il est également à noter qu'Arianespace négocie avec l'agence spatiale russe Roscosmos le prolongement de Soyouz à Kourou. En outre, les équipes commerciales d'Arianespace seraient extrêmement discrètes (trop ?) vis-à-vis de clients qui souhaitent avoir des informations sur le manifeste d'Ariane 6. Ce qui n'est jamais très bon...

Enfin, interrogé par La Tribune pour évaluer le pourcentage de chances de voir Ariane 6 s'envoler dans le ciel de la Guyane en 2022, le président d'ArianeGroup André-Hubert Roussel a esquivé tout en laissant entendre que les tests combinés d'Ariane 6 à Kourou permettraient d'avoir une idée plus claire du calendrier du premier vol d'Ariane 6. Le lanceur est sur le "chemin critique, a estimé le patron d'ArianeGroup. Il est important de faire ces tests pour voir si tout se passe bien". 

Où en est Ariane 6 ?

Les tests de mise à feu de l'étage supérieur complet doivent commencer le mois prochain sur le site du DLR en Allemagne à Lampoldshausen en Allemagne. Les essais de cet étage supérieur, équipé du moteur ré-allumable Vinci, porteront également sur l'unité de propulsion auxiliaire APU (Auxilliary Power Unit), un système innovant qui renforce la polyvalence d'Ariane 6. Surtout les étages principaux et supérieurs d'un autre exemplaire d'Ariane 6 sont arrivés mi-janvier à Kourou après la finalisation de son assemblage sur le site ArianeGroup des Mureaux et la réalisation de tous ses tests fonctionnels de réception. Les étages destinés aux essais combinés seront intégrés horizontalement dans le nouveau Bâtiment d'Assemblage Lanceur. Une fois l'étage supérieur accosté à l'étage principal, Ariane 6 sera placée à la verticale puis positionnée sous son portique mobile, avant de recevoir ses boosters. 

L'assemblage est actuellement en cours au Centre spatial guyanais (CSG) en vue de procéder ensuite aux tests combinés en avril, une fois prêt le pas de tir sous maîtrise d'oeuvre CNES. L'objectif des tests combinés est de tester l'ensemble des interfaces et les bonnes communications entre le lanceur Ariane 6 et les installations au sol du nouvel ensemble de lancement Ariane n°4 (ELA 4). Son également testés les logiciels de vol, et les opérations de remplissage et vidange des réservoirs, indispensables pour garantir le bon déroulement d'une séquence de lancement. "C'est la première fois qu'Ariane 6 rencontrera son nouveau pas de tir", a expliqué lundi André-Hubert Roussel. 

Une forte attente

Le premier vol d'Ariane 6 suscite d'ailleurs "une forte attente des clients d'Arianespace", a-t-il observé. Onze Ariane 6 ont déjà commandées : six Ariane 64 (5 lancements doubles et un lancement dédié) et cinq Ariane 62 (vols institutionnels et commerciaux). "C'est le seul lanceur à avoir un carnet de commandes déjà aussi rempli avant même son lancement", a-t-il souligné. Pour ArianeGroup, ce premier vol est également très important pour rester dans le match face à l'américain SpaceX notamment. "Nous devons désormais préparer l'exploitation d'Ariane 6 et relever les défis de l'industrialisation, notamment liées à la montée en cadence", a indiqué André-Hubert Roussel. ArianeGroup souhaite atteindre une production "de 9/10 Ariane 6 en 2024/2025", a-t-il précisé.

Pour rester compétitif, ArianeGroup poursuit son programme de réduction des coûts, y compris sur son processus industriel. Ainsi, la manière de produire et d'assembler Ariane 6 a permis de diviser par trois le temps entre l'arrivée du lanceur et son vol. Soit des campagnes de deux semaines au lieu de six. ArianeGroup doit encore poursuivre ses efforts, la cadence de lancements d'Ariane 6 étant passée de 11 initialement à 7 par an. "Nous avons d'ores et déjà atteint et dépassé notre objectif de compétitivité prévu pour 11 lancements par an. On va aussi l'atteindre pour une cadence 7". 


Source : La Tribune