Airbus adopte les règles de l’OMC pour apaiser Washington



Un Airbus A350 décolle de l’aéroport Toulouse-Blagnac, à Colomiers, le 27 septembre 2019. Regis Duvignau/REUTERS


 


Par son initiative, l’avionneur européen espère la levée des sanctions américaines. 

Clap de fin en vue dans le litige au long cours autour des subventions publiques à Airbus et à Boeing ? Une initiative prise par le géant européen de l’aéronautique ouvre une porte de sortie aux États-Unis et à l’Union européenne (UE), qui se battent devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2004. Chaque partie accusant l’autre de soutien illégal à son champion national.

Airbus a annoncé, vendredi, s’être mis totalement en conformité avec les règles de l’OMC. Le groupe a signé un accord avec la France et l’Espagne, qui entérine une hausse des taux d’intérêt attachés aux avances remboursables consenties par les deux pays pour contribuer au financement de l’A350 au milieu des années 2000. Ces taux seront alignés avec ceux constatés sur les marchés financiers. Jusqu’ici, Airbus avait bénéficié de taux préférentiels plus avantageux. Un accord similaire a été trouvé en 2019 avec l’Allemagne. Airbus avait aussi accepté de rembourser l’avance octroyée par le Royaume-Uni. «Au total, ces quatre États ont financé moins de 20% du programme A350, qui a mobilisé plus de 10 milliards d’euros», rappelle un expert de l’industrie.

Le mécanisme des avances remboursables a déjà été jugé légal par l’OMC. Il ne restait plus sur la table que le dossier litigieux des taux d’intérêt liés à l’A350. «Les États-Unis n’ont désormais plus aucune raison de continuer à bloquer la procédure arbitrale de l’OMC ni de continuer à surtaxer des produits européens en représailles», insiste un familier du litige. Vendredi, Phil Hogan, commissaire européen au Commerce, a appelé de façon très ferme les États-Unis à «régler rapidement un différend» qui n’a que trop duré et à lever «immédiatement» les surtaxes de 25% qui frappent une longue liste de produits agricoles - parmesan italien, huile d’olive espagnole ou encore vins français - et industriels européens, dont 7 les avions. Le ministre espagnol des Affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya s’est joint à cet appel.

En mars 2020, Washington a relevé les taxes douanières qui frappent les Airbus de 10 à 15%. Et s’apprête à les alourdir encore mi-août. En 2019, les Airbus exportés aux États-Unis depuis les usines européennes ont représenté 15% des 863 appareils livrés par le groupe.

Si Washington refuse de lever les sanctions, l’UE sera «prête à faire pleinement usage de ses propres droits de sanction», dont «l’ampleur et la portée» seront décidées lors de l’arbitrage de l’OMC sur les aides publiques à Boeing. Le verdict était attendu en mai-juin, mais a été décalé à cet automne, en raison de l’épidémie de Covid-19. Ce délai a incité Airbus à faire un geste. Il n’y avait aucune obligation légale, mais le groupe a voulu montrer son «sérieux» et sa volonté de ne pas amplifier les problèmes des entreprises européennes visées par les surtaxes alors qu’elles sont confrontées à une violente crise économique. «Il n’était pas possible d’agir au niveau de l’OMC. La procédure est bloquée par les États-Unis qui refusent toute nomination de juges proposés par les autres États», raconte une source proche de l’organisation.

Plans de soutien 
Le différend qui oppose Airbus à Boeing depuis le dépôt de deux plaintes - la première par les États-Unis ; la seconde par l’UE - en 2004, doit être tranché par un panel de trois juges, issus de pays dénués d’industrie aéronautique. Or, depuis des mois, il ne se passe plus rien. Ce qui a laissé le champ libre à Washington. L’UE veut arrêter cette machine infernale et parvenir à un accord à l’amiable avec les États-Unis. Airbus a appelé chaque partie à s’asseoir autour de la table pour enterrer la hache de guerre et poser les bases d’un nouveau cadre de soutien public à l’aéronautique, une industrie stratégique qu’aucun État ne peut laisser tomber. Ce cadre bilatéral pourrait s’ouvrir à la Chine et au Brésil.
Le contexte s’y prête. Les États volent au secours de leur filière aéronautique, frappée de plein fouet par la pandémie. La France met 15 milliards sur la table dans le cadre de son plan de soutien à l’aéronautique. Les États-Unis ont injecté 16 milliards de dollars dans leur propre écosystème. Le Pentagone soutient Boeing en annulant des centaines de millions de pénalités pour cause de retard de livraisons d’avions ravitailleurs KC-46. Il a aussi passé une commande «miraculeuse» de 23 milliards à Boeing pour lui fournir des avions de chasse. Le PDG de Boeing remercie très régulièrement l’État fédéral pour son soutien sans faille. Dans ce contexte, la bataille transtlantique autour des aides publiques aéronautiques n’a plus aucun sens.


Source : LE FIGARO